Et pourquoi pas une balade ?

L’innovation se nourrit absolument de tout et, n’en déplaise aux contempteurs de la rationalité et de la rentabilité, elle s’alimente beaucoup à la source de l’une des énergies les plus puissantes : l’émotion. J’ai voulu ce post pour illustrer ce levier que nous avons trop tendance à oublier. Je vous engage à parcourir ces lignes comme une balade faite de symboles que je vous invite à décrypter.

J’ai reçu cette semaine l’une des plus fortes leçons de vie qu’il m’ait été donnée d’expérimenter au travers d’une avalanche de moments télescopés et d’émotions plus contradictoires les unes que les autres. J’ai mesuré à quel point elles avaient engendré des brèches dans tous mes raisonnements et je ne mesure pas encore combien de temps ni ou me mèneront les conséquences de cette leçon. Je pense que j’ai vécu un grand moment de transformation et d’innovation. Mais j’ai également payé un prix très élevé pour cette leçon dont, là aussi, je ne prends ni la mesure du montant ni la durée qu’il va me falloir pour acquitter cet investissement. Je le considère comme un investissement parce qu’il me fera progresser et c’est donc déjà une évidence de retour suffisant pour que je m’engage sur le chemin du défi qui m’ait lancé. Pour ce qui relève de ce prix payé j’ai aussi constaté le parallèle avec l’innovation dans le sens ou cette dernière rencontre sans cesse des oppositions et des blocages. Cela m’a surtout permis de ressentir ce que les contraintes et les carcans de nos métiers et de la vie pouvaient nous imposer en entravant l’innovation, quelquefois à raison, mais souvent à tord et de manière inappropriée et nous allons y revenir.

Concernant les émotions je propose d’imaginer qu’il s’agit de perles en enfilade de toutes les couleurs qui s’étirent sur le long fils de notre vie. Une vie d’humain rempli devrait donc se concevoir comme une œuvre gigantesque visant à façonner et à rapprocher ces perles les unes des autres pour accroître la densité des moments d’émotions. Malheureusement la distance qui les sépare dans nos vies actuelles rend leur fréquence bien plus faible et cet éloignement s’apparente pour moi aux formes actuelles et aux processus mis en oeuvre de création de valeur dans nombre d’organisations. Je crois qu’une première action consisterait à œuvrer pour faire réapparaître ces perles de vie et animer tout notre travail pour qu’elles soient plus nombreuses. La créativité se verrait forcément accrue ainsi que le bien être au travail. Néanmoins, il existera toujours une distance à parcourir sur le fil de la vie pour aller d’une émotion à la suivante. C’est là aussi un élément primordial à intégrer à nos démarches d’innovation pour être en mesure de saisir ces moments souvent furtifs lorsqu’ils se produisent car ils resteront toujours rares et disparaîtront ensuite à jamais ! Nos organisations ont plutôt tendance à les étouffer et à les considérer comme des écarts ou des comportements à éviter, il faut bien le reconnaître. Admettre l’importance de la diversité des points de vue et la « magie » de certains moments ne peut que conforter les forces vives au service de l’innovation dans tous nos moments de vie. Les émotions, finalement, nous invitent à la tolérance, à l’acceptation de la fragilité, des errements ou des joies excessives ce que nous ne faisons pas souvent !

Pour ce qui concerne les entraves, elles sont nombreuses, disséminées et quelquefois défendues « bec et ongles » ! Il est effectivement tellement dure de changer, tellement difficile d’adopter des postures différentes, tellement ardue d’accepter des situations complexes que l’on préfère limiter le champ de nos possibles. Voir devant soit, entendre ce qui est perceptible, gérer ce qui est palpable n’est-ce pas suffisant ? Probablement pour la plupart des organisations et des individus ! Mais pour celles et ceux qui veulent avancer, et rester vivant(e)s longtemps tout en continuant à diffuser du dynamisme il est clair qu’ils se doivent d’aller au-delà du visible et du palpable. Cela se fait en acceptant de mixer des approches très classiques et traditionnelles, qui ont après tout montré leur potentiel, et des démarches en rupture radicales. Ce qui est alors remarquable c’est que ces deux vecteurs d’évolutions deviennent deux moteurs complémentaires, l’un assurant le cap et l’autre s’occupant de la gite ! En d’autres termes, le premier ancré dans le présent et garantissant le quotidien, le second introduisant le « sel de la vie » et venant perturber les équilibres mortifères qui ont tendance à très vite occuper le terrain. Il est clair que ce modèle demande de l’agilité et surtout une très grande ouverture d’esprit, une tolérance aux idées nouvelles, divergentes, antagonistes et quelquefois farfelues. Mais c’est surtout une preuve de grande richesse intellectuelle qui est seule à la portée des organisations et des individus qui savent faire oppositions à tous les dogmes et à toutes les idées reçues. L’acte de confrontation aux contraintes et aux carcans a donc lui aussi un coût fort qu’il faut consentir volontairement pour faire progresser nos organisations et nos vies par la même occasion. Il faut reconnaître que cela fait mal … de payer quelquefois ce qui nous parait trop cher. Mais finalement est-ce un prix si élevé ?

Que se passe-t-il alors lorsqu’une force inarrêtable rencontre une contrainte inamovible ? C’est le Paradoxe de l’Omnipotence auquel personne ne sait répondre. Sommes-nous pour autant réduit à l’impuissance, je ne le crois pas ! En effet, il existe une force tierce qui permet de diluer l’inarrêtable et de dissoudre l’inamovible, une puissance immanente qui ne connait pas les émotions : c’est le temps. Ce dernier ne connait pas la précipitation, ne pratique pas la complaisance, ne s’embarrasse pas des compromis et finalement ne s’intéresse à rien qui ressemble à quelque chose de descriptible pour nous. Il est seulement à l’œuvre et décompose méthodiquement, lentement mais surement absolument tout. Qui de l’innovation ou de l’immobilisme l’emportera ne concerne pas le temps car de son côté il s’égrène ! A un moment indéterminé l’équilibre des forces se rompt laissant alors l’un ou l’autre des protagonistes l’emporter. Si c’est l’innovation qui gagne, une nouvelle vie éclos qui va à son tour transformer autour d’elle et engendrer des nouveautés nous élevant de quelques niveaux au passage. Si c’est l’immobilisme qui gagne alors c’est une lente descente vers la disparition et l’anéantissement pure et simple pour laisser place à d’autres potentiels, d’autres visions, d’autres alternatives.

Je pense que nous devons peut être désormais considérer que toute la communauté des « penseurs » de l’innovation n’est constituée que de farfadets qui courent sur le disque lumineux de la vie en tous sens pour équilibrer sans cesse ce dernier afin qu’il ne tombe pas ! Je trouve étonnant qu’aucun ne se soit simplement arrêté de gesticuler pour aller directement occuper le centre du disque, certes absolu et impossible à atteindre, pour embrasser « le tout » et apporter l’équilibre ultime. Passant ainsi d’une vision partielle et partiale à chaque saut sur le disque, à un examen serein de l’ensemble des possibilités. C’est bien là le sens de ce qui m‘est arrivé cette semaine. J’ai pris de plein fouet le mur des multitudes, celui qui se présente en tous sens dans les peintures de Maurits Cornelis Escher. Je pense que l’innovation doit se réinventer et aller au-delà des espaces contraints et convenus qui nous ont servi jusqu’à ce jour pour simplement mesurer les 2 mètres carrés de liberté que les uns et les autres ont bien voulu nous consentir !

Je dois ce saut quantique dans ma compréhension à une femme inouïe et que j’aime depuis très longtemps. Par son attitude elle m’a permis de m’éveiller à des considérations que je n’avais pas encore intégrer. Cette femme possède des richesses incroyables et une beauté intérieure rare et d’une intensité difficile à soutenir. Malheureusement elle est elle-même prisonnières des carcans, posant des limites artificielles dans son quotidien rassurant. C’est le propre des être éclairés, ils vous illuminent mais quelquefois ils ne bénéficient pas de toute la clarté qu’ils dispensent. Je lui dédie ce post anachronique dans mon blog parce que j’espère qu’elle le lira et qu’elle se mettra résolument en marche sur le chemin des possibles pour devenir enfin un être de lumière. Que ce chemin lui donne les clés de la multitude, qu’ils lui montrent comment ajuster toutes les cordes de son magnifique violon. Je vous engage enfin à remarquer comment les cordes d’un violon sont différentes par leur épaisseur et leur sonorité. Mais surtout elles vivent les unes à côtés des autres sans jamais se toucher ! Pourtant, la main habile de ma violoniste délivrera une mélodie envoûtante de ces cordes parce qu’elle saura les utiliser à bon escient, au bon moment et avec le bon touché pour atteindre la virtuosité. Il ne viendrait pas à l’idée d’un musicien de démonter toutes les cordes pour n’en conserver qu’une seule. Il pourrait alors faire sonner une note, la travailler en puissance et en tonalité mais jamais, au grand jamais, il ne pourrait produire une symphonie.

A vos instruments bâtisseurs de demain, posez ces mondes parallèles dont nous avons tous besoin, jouez de tous les leviers dont vous avez le soin, afin que tous ensemble nous allions bien plus loin.

Juste pour toi !

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